une aventure à Joal
Fin de la piste à Fimla. Avant de trouver le goudron, passage obligé à la station-service où le pompiste et Bouba secouent énergiquement la voiture , vérifient la pression des pneus. Au carrefour il y a un petit marché. Une dizaine de motos colorées sont garées, ni motos, ni scooters aux motifs variés. Ce sont les nouvelles moto-taxis, mode de transport très courant en Asie, au Bénin et au Togo, nous n’en avions pas encore trouvé au Sénégal.
A partir de Fimla la piste est très agréable car elle traverse une végétation luxuriante de vergers d’anacardiers et de manguiers. Les villages sont construits de cases carrées recouvertes de feuilles de palmiers. Barrières et palissades sont faits de côtes de rôniers. La palmeraie n’est pas loin. Les rôniers sont très hauts, un peu clairsemés. Les éminences pointues des termitières rendent le sol inégal. La route traverse le village de Niassam – grand village de vacances – les palmiers cèdent la place aux baobabs très nombreux. A la radio, de la salsa sénégalaise, musique cubaines mais paroles mélangées, salade de wolof, espagnol, français et anglais. La piste traverse maintenant les tannes – terres fortement salinisées. Dans cet environnement désert, la circulation est paradoxalement intense sur la piste :nous rencontrons des charrettes tirées par des chevaux. Certaines sont vides et partent au marché. D’autres sont chargées de chaumes ou de roseaux destinés aux fumeries de Joal. A un croisement c’est l’embouteillage : 4 charrettes et deux Mercédès – une crème et une noire – arrivent en même temps. Dans la grosse Mercédès noire, Bouba dit qu’il y a un guide spirituel (le Guide Hachette-Evasion évoque effectivement les Marabouts-Mercedes.
Le blanc du sel qui cristallise dans l’environnement grisâtre des tannes est éblouissant. Les petits cônes blancs brillent sous le soleil. Une foule bigarrée s’active dans la saline, avec des pioches casse la croute salée, ramasse les cristaux, charge les charrettes.
Les fumeries de Joal sont à l’entrée de la ville. Les rangées de fours en parpaings se succèdent, les étals de roseaux sont couverts de harengs fumés et salés que l'on entassera dans des cartons qui partiront jusqu’en Guinée. Entre les fumeries et les maisons, un dépotoir de sacs plastiques du plus mauvais effet. D’autant plus que Bouba explique que ces ordures ont été disposées là exprès par la municipalité pour boucher des trous.
Joal est une petite ville dont nous apercevons surtout des écoles et institutions religieuses ; On s’arrête à la passerelle qui conduit à Fadiouth, l’île aux coquillages.
Fadiouth
Le syndicat d’initiative a engagé des guides. François très jeune, encore adolescent, récite un commentaire appris par cœur en hachant ses phrases bizarrement. On s’apercevra ensuite qu’il est très fin et intelligent. La passerelle reliant Fadiouth à Joal est neuve, éclairage solaire prévu, elle conduit également l’eau et l’électricité. Si nous étions venues à marée basse nous aurions pu voir les femmes ramasser des coques et les jeunes jouer au foot. L’île tient son surnom des coquilles de coques et d’huitres de palétuviers qui tapissent les rues. remarque que les coquilles sont « un excellent gravier ». Les coques fraîches, noires, blanchissent au soleil. On les utilise également dans la construction des maisons en les agglomérant dans du ciment. La chair des coques sèche sur des toiles carrées dans les rues du village. On les consommera sèches et salées à l’apéritif comme des cacahouètes.
Pour raconter son île, François nous fait asseoir à l’ombre dans la case à palabres où les anciens se réunissent ainsi que les hommes de l’île. Les jeunes garçons y feront leur apprentissage de la vie d’homme en apprenant des anciens. Les femmes sont exclues, probablement. François ne les cite même pas. Une des particularités de Fadiouth est la coexistence des communautés, catholiques (90% et musulmans(10%) – proportion inverse de la population sénégalaise moyenne. La grande concentration de chrétiens explique la présence des cochons qui divaguent près de l’au à la recherche de quelque saleté. Sept quartiers composent la ville ; chacun a sa case à palabres et sa chapelle. Au dessus des toits dépassent le campanile carrelé de l’église orné d’un Sacé-Cœur rouge et les eux minarets de la mosquée. A l’église, François nous raconte les dévotions, les messes, la place des hommes et des femmes …devant notre manque d’enthousiasmen il modifie son discours, cite Karl Marx, » l’opium du peuple », regrette les intégrismes et les conflits religieux. Il est fin et sait s’adapter à son public. Pourtant quand on parle du Pape qu’on est en train d’élire il se prend à rêver, si un évêque africain est choisi, ce sera l’évêque de Fadiouth….
Dans les rues, les étals de souvenirs font un clin d’œil au touriste français qui retrouvent des enseignes connues « aux Mousquetaires », » Le Roi Merlin »…Inédit au Sénégal, ici, les prix sont marqués. Marqués, mais négociables. On négocie pour deux assiettes de bois rectangulaires, les mêmes que celles du Gite de Simal.
Dernière étape : le cimetière commun aux catholiques et aux musulmans sur une petite île de coquillages. François plaisante « Ici, on encoquille ! »
Du haut de cette colline, la vue est « panoramique » sur Fadiouth, sur la mangrove et ses bolongs , sur les greniers à mil sur pilotis au milieu d’un chenal – souvenir d’une famine à la fin de la seconde guerre mondiale quand les Sénégalais étaient mobilisés (explications confuses).
Déjeuner à la terrasse de la Taverne du Pêcheur à Joal en face de Fadiouth. Des piroguiers manient la perche dans leur pirogue monoxyle creusée dans un tronc de fromager. Crevettes à l’ail en entrée, brochettes de lotte. Une crêpe pour dessert au Nutella sénégalais.
Il fait chaud sur la route de M’Bour. Je lutte contre le sommeil qui m’engourdit après le repas. Bouba commente le paysage et nous montre le sol dior très fertile protégé par les acacias mimosas. Des femmes vendent du lait caillé sur le bord de la route. On arrive à la Petite Côte touristique et urbanisée, passe Niaming et Warang puis Maling qui fut une quarantaine pour les lépreux. M’Bour est la troisième ville du Sénégal. Elle est jumelée avec Concarneau. Ici aussi on fête les Filets Bleus. L’odeur caractéristique des fumerie de poissons nous accueille à l’entrée de la ville. On se sent en ville : il y a plus de voitures, des bâtiments modernes à étage mais le désordre urbanistique subsiste. Un guide se présente pour la visite du marché de M’Bour et celle du port. C’et un marché important mais après la visite de ceux de Thiès et de Djourbel nous sommes habituées. Le nombre des pirogues est impressionnant. Le guide m’entraîne dans les traquenards pour touristes. Devant les colliers de coquillages et mâchoires de requins vendus par les pêcheurs handicapés, je n’ose pas refuser. Il n’y a pas de Sécurité Sociale pour les handicapés. Il est très mal vu en pays musulman de leur refuser l’aumône. Nous en avons fait l’expérience au Maroc. En revanche je tiens bon dans les échoppes pour touristes et dans les magasins de wax (ce qui me coûte parce que j’adore ces tissus africains colorés et frais). Pour 15.000CFA, une tenue sur mesure coupée dans la journée, livrée à l’hôtel, ce serait une affaire. Je reste ferme malgré la tentation.
Étape sur la plage de M’Bour , Blue Africa, hôtel de bord de mer, très bien situé à l’arrière d’une petite cocoteraie, bleu et blanc. Bleus les sièges en fer forgé ; bleues les tables en mosaïque de la salle à manger, blancs les murs des chambres, un peu défraîchies avec une climatisation antédiluvienne qui fonctionne par miracle . La salle d’eau est un peu sombre avec eau chaude et eau froide en abondance et sous pression, le luxe après les campements ! Sur la plage, des rochers interdisent la baignade, il faut aller un peu plus loin, l’eau est tiède, les vagues raisonnable mais l’eau n’est pas très propre.
Le spectacle est sur la plage. Des centaines d’hommes, d’adolescents, d’enfants font du sport. Football : deux paires de chaussures matérialisent les buts. D’autres courent, pas les petites foulées du jogging du dimanche, de grandes foulées de sprinter. Certains pratiquent des entraînements en groupe, toutes sortes d’exercices : marche en canard, montées à reculons les pieds joints….
Au coucher du soleil, je sacrifie à on rite de la marche au bord de l’eau. La plage est interminable. Je découvre les villas de Sally, luxueuses et même prétentieuses cachées dans les jardins débordant de verdure. Où sont donc les occupants ? je n’ai croisé que 4 toubabs, pas plus. Quant aux femmes, plus que minoritaires, une petite douzaine en une quarantaine de minutes ;
Avant le dîner, des retraités skypent sur leurs ordinateurs portables. D’autres lisent le journal ; en louchant je lis sur le Monde.fr que la fumée blanche s’est élevée au Vatican. Ce sont des habitués qui se connaissent tous, parlent fort. Le courant revient, en revanche la clim de la chambre est dans le coma.
Après une très petite salade bien présentée mais 4 demi-tomates-cerises seulement, dans une assiette en forme de poisson une très belle sole et quelques spaghettis. Je dissèque avec soin la sole délicieuse ; pour dessert de la papaye. Coupure d’électricité. Une dame hurle « Bon anniversaire ! » histoire de conjurer la peur du noir ? La clim ne se remettra pas de la coupure et restera en coma dépassé.
Inscrivez-vous au site
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 76 autres membres