Une escapade avec El Hadji à Dakar
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Ce jeudi 6 décembre 2018, dans toutes les maisonnées de Belgique, des milliers d'enfants vont sortir de leurs rêves pour découvrir, de grand matin, toute la magie du grand Saint-Nicolas, je les vois d'ici, je revois mon enfance, les petits yeux écarquillés devant ce train qui roule sur rail, devant cette poupée qui bouge et qui pleure son bébé, toutes ces lumières scintillantes, le grand Saint est venu déposer ses jouets à tous les enfants sages...
Me souvenant de cette enfance féerique, j'avais rêvé la veille de recréer cet instant magique à El hadji.
Comme il quitte chaque midi la grande maison de sa maman à Ngaparou (8 km de Saly) pour passer l'après-midi chez moi, je me devais d'inventer un stratagème : il devait arriver dès 9 heures car ce jeudi là, il devait se rendre à la poste de Saly pour y récupérer une commande internet avec des cadeaux pour lui... Cela marcha à merveille.
Le tout était de "tenir jusqu'au bout" quand il arriva, je lui fis croire que la commande devait être récupérée à Dakar.
Nous nous sommes dirigés vers Saly-Carrefour(un premier taxi) pour rejoindre les rabatteurs de taxis collectifs, directions: Dakar ou Thiès, très vite nous suivons l'un de ceux-ci et nous prenons place dans une Peugeot 7 places : coût du voyage aller Saly-Dakar (80km) 3 euros/personne.
Faisons un petit calcul: pour le voyage aller Mbour-Dakar, le taximan percevra 7x3euros = 21 euros
Attention, dès son arrivée à Dakar, il refait le plein pour ramener des gens vers Mbour = 21 euros
A Mbour dans le milieu d'après-midi, il repart à nouveau vers Dakar = 21 euros
Et en fin de journée, il reprendra ses derniers clients pour atteindre Mbour = 21 euros
84 euros = 53865 Cfa d'où il faudra déduire 320km= 20 litres d'essence = 20 euros bénéfice net: 64 eurosx30j...1920 euros
Les taxis de Saly n'empruntent pas la nouvelle autoroute payante mais la route à deux bandes gratuite qui est toujours bondée de monde le matin; les dépassements ont chaque fois leur part de risque.
Notre véhicule est confortable, nous occupons les deux places de la troisième rangée, ce n'est pas le meilleur emplacement car la grand-route est peuplée de dos d'âne/coupe-vitesse. Les amortisseurs en prennent un coup...et nos dos aussi!
Ce matin, ça roule normalement, notre chauffeur conduit avec prudence.
De temps à autre, des troupeaux de zébus, de chèvres et de moutons traversent allègrement la route comme si elle leur appartenait. Chacun passe à son tour. En Afrique, les troupeaux sont toujours prioritaires sur les voitures, et les gros semi-remorques du Mali, surchargés de sacs de ciment, leur cèdent le passage!
La cadence reprend à la vitesse des éléphants, le temps que la longue file se dilue pour reprendre son allure normale.
Je ne savais trop quoi inventer à El hadji qui - je le sentais - se posant des questions de ce nécessaire voyage pour reprendre une commande destinée à la poste de Saly. Je feignais un certain mécontentement...
Dans les semaines précédentes, je lui avais demandé de me fournir des photos de carte d'identité ainsi que des certificats de domicile et de naissance pour de futures démarches ...Sa maman ne l'avait déclaré à l'administration qu'à l'âge de ses six as, il fallut donc introduire une "demande supplétive" auprès du Juge administratif de Mbour pour régulariser cette situation.
Nous avons quitté Saly à 9h30, après 1h10 de route, nous atteignons le grand ring qui encercle Dakar,
l'une des plus grandes villes d'Afrique.
DAKAR
Une ville tentaculaire qui s'étend sans cesse dans sa grande banlieue, près d'un tiers de la population sénégalaise y vit, 4 millions de musulmans, pour la grande majorité de ces citadins.
Le Dakar Arena, Palais des sports inauguré le 8 août 2018 (financement turque...)
Dakar, c'est une ville qui vit nuit et jour, les marchés ne s'y arrêtent jamais, tout est foule, mélange de dakarois, d'animaux, de petits chevaux tirant des charrettes à l'infini. Tout est en mouvement, toute la banlieue est une immense construction, au coeur de la ville, des bâtiments modernes dignes des grandes villes européennes comme Madrid et Londres...
La tour "Wilmotte"
En plein coeur de Dakar, la Tour Wilmotte conçue par l'architecte français Jean-Michel Wilmotte est le plus haut édifice du Sénégal.
Du haut de ses 104 mètres, elle offre une vue à 360° depuis le rooftop.
Elle fait presque 3 fois la hauteur de l'église de mon village d'enfance...
Son architecture est inédite: elle repose sur un socle "vivant et urbain", s'inspirant des tissus africains, elle est enveloppée dans une résille à l'aspect doré qui lui donne sa forme courbe et effilée.
Elle abrite 20.000 mètres carrés d'espace de bureaux pour des sociétés sénégalaises et internationales.
La ville a ses quartiers riches et pauvres... quelques feux de circulation épars ça et là que les conducteurs grillent sans souci, toute la circulation y est fluide, la ville est inondée de taxis jaunes qui roulent sans arrêt jour et nuit.
L'urbanisation y est galopante.
Dakar symbolise la migration géante des campagnes vers le mirage de la capitale. Des millions de personnes s'y sont établies dans l'espoir d'y survivre, d'y trouver un sort meilleur. C'est le grand problème de toutes les villes d'Afrique: ayant abandonné leurs villages, des dizaines de millions d'hommes gonflent les villes déjà surpeuplées sans y trouver logement ni activité. Ils ne reviendront plus au village et n'ont pas de place en ville...
Notre aventure ne fait que commencer, à peine sur ce grand ring, notre taxi s'engouffre dans une ruelle adjacente, là un gendarme en moto l'arrête et il doit aussitôt abandonner son véhicule, tous les voyageurs descendent en quête d'un nouveau taxi, El Hadji et moi nous embarquons dans un taxi jaune direction centre de Dakar. Notre stratégie est bien mise au point, au moment d'arrêter le taxi, je me dissimule de quelques pas et El Hadji discute le prix de la course qui va de 6 à 2 euros la course en ville....(1 ou 2 kms aussi chers que nos 80 de Saly)
Au bout de quelques dizaines de minutes, nous atterrissons enfin devant le point-relais internet...
Le Ministère des Passeports
El Hadji a tout de suite compris ma stratégie qui s'effondre, un cadeau de St-Nicolas l'attend: un passeport pour tous pays d'une durée de 5 ans!
Sauf l'Europe de Schengen, qui nécessite d'autres fastidieuses formalités de visa, il pourra franchir toute frontière en Afrique jusqu'au Maroc lointain... Le rêve pour le jeune africain qu'il est et qui a toute mon affection.
L'après-midi sera consacrée à la foire commerciale de Dakar, nouveau taxi, cette foire, une vraie merveille avec tous les pavillons de l'art africain, les produits cosmétiques, les bijoux, les couvertures marocaines, le personnel est on ne peut plus accueillant, la visite se terminera par le stand de la gendarmerie nationale et quelques photos souvenirs...
Nouveau taxi pour atteindre le quartier de "Patte d'Oie" où nous prendrons le taxi de retour vers Saly, El Hadji fier, muni d'un petit livre bordeau aux lettres d'or qui lui ouvrira - qui sait - les chemins de son grand continent.
La nuit tombe sur Saly, El Hadji rentre à Naparou chez sa maman avec son précieux cadeau de St-Nicolas et moi, je rentre vers notre villa, chacun poursuivra ses rêves des jours prochains. Merci
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