un pélerinage à Popenguine
Ce lundi de la Pentecôte, j'accompagne une bande de copains et copines d'un quartier de la cité noire de Saly.
Le départ est prévu le dimanche soir vers 19h30. Depuis des jours déjà, des centaines de voitures, transports de fortune se dirigent vers ce petit village où le Pape Jean Paul II s'est rendu il y a quelques années pour y bénir la grotte de la Vierge et y célébrer la messe.
Chaque année à la même date des centaines de milliers de sénégalais venus de tous les coins et recoins du Sénégal se rendent à Popenguine.
je décide de faire partie de l'aventure qui portera son nom...
Notre voiture est un grand combi de trois rangées de siège avec toutes les vivres à l'arrière, sur l'impériale, nos chaises empilées et tout le matériel de camping pour la nuit. Places prévues pour 8 personnes, nous sommes 15... Moi, je suis blotti entre 3 filles à ma gauche et une fille à ma droite, chaud, chaud!
Popenguine se trouve à 10 km du bourg de Sindia qui est lui-même tout près de mes amis peuls.
Dès le départ, sur la grand route, la circulation est on ne peut plus bondée, toute allure est ralentie pour rejoindre le tempo africain, musiques religieuses, récitation d'ave maria, ambiance!
Nous arrivons à Sindia, au grand carrefour, nous empruntons une petite route de bétume mal finie des deux côtés. A peine quelques kilomètres sur cette piste, un éclatement de fusil, une explosion, une attaque terroriste, non, le pneu arrière gauche a éclaté...
Sans la moindre hésitation, notre chauffeur fait demi tour, et roule vers Sindia, des bruits suspects se font entendre, tant pis, on continue coûte que coûte, arrivés dans ce grand carrefour, tout le monde descend pour constater les dégâts: la roue est complètement déjantée!
Il y a encore comme dans toutes les nuits d'Afrique une vie folle à cette heure de la nuit vers les 23 heures, mais plus de garage à l'horizon, j'appelle mon ami le grand Mamadouka qui me dit être à Sindia, il arrive et déniche un petit réparateur qui veut bien nous aider pour quelques sous... la réparation est à l'ancienne:
Dans la semi-obscurité le pneu complètement déchiqueté doit être extrait de la jante tordue, deux longues pinces de fer sont mises à l'épreuve, rien n'y fait par la chaleur du frottement, une partie colle à la jante, scie à métaux, l'opération est difficile, la chaleur moite est toujours intense à cette heure de la nuit, notre mécanicien de fortune persiste dans son effort, des perles de sueur glissent le long de son visage juvénile. Debout sur une partie du pneu, l'équilibre est des plus délicats, toutes les forces sont mises en action, coups de marteau pour sortir ce prisonnier de sa cellule, le voici enfin libéré prêt à être brûlé, reste la jante à rectifier, de l'acier trempé, les coups de masse résonnent dans la nuit, peu à peu la jante retrouve vaille que vaille son cercle originel... nouveau pneu, enfin usagé, ici, les pneus neufs n'existent pas, on ne les trouve que dans les grands garages de Dakar, partout dans les cités noires, des tas de pneus usagés attendent leur tour de fouler les pistes une nième fois. Colle à grands coups de pinceau sur le pourtour, et puis placement plutôt réussi, gonflage, le pneu se colle à la jante.. succession de bruits explosifs. Quelques coups de marteau pour fignoler le tout. Placement du pneu au-dessus d'un bac d'eau trouble, quelques verres d'eau sur la surface pour détecter les fuites, (je repense à mes réparations de chambres à air sur mon vélo de jeunesse) tout est normal, l'opération est une réussite. 2 heures de retard sur un horaire inexistant!
Le pneu roule vers notre voiture tel un cerceau d'enfant, content d'aider des pèlerins en rade.
Nous voilà repartis pour 10 km de route difficile à travers la circulation, mélange de vieux tacots, d'autocar bondés de têtes frisées, de charrettes tirée par de petits chevaux, toute une famille africaine à bord, les pieds ballants sur les côtés...
Au plus nous avançons, au plus nous devons nous frayer un chemin pour poursuivre notre route, bien vite les alentours s'illuminent dans la nuit, l'ambiance monte doucement, nous voici stoppé par un barrage de gendarmerie, palabres interminable, rien n'y fit, notre conducteur décide de faire demi-tour, très vite, il s'engouffre dans la première piste qui conduit au village, notre voiture se faufile entre des nuées des myriades de pélerins, nous avançons à la cadence de l'éléphant, très vite, nous voici sur notre lieu de rendez-vous, un bar sur une cour extérieure en plein milieu des hommes, notre voiture est laissée sur place, elle y dormira la nuit avec nos 5 femmes... nous les hommes, rafraîchissements, discussion, accolades, rires, toute une ambiance d'avant-garde
Il est 3 heures du mat, nous décidons Lumum et moi de faire un tour à la grotte, Lumum est le surnom que j'ai donné à mon ami Joseph dit Joe car il ressemble très fort à Patrice Lumumba. C'est un garçon très jovial fidèle, sérieux qui servait au Flash et qui depuis la fermeture de cet établissement, a repris avec son personnel le bistrot du Pélican à Saly qui était déjà mon second quartier général l'an dernier
Partout des dizaines de milliers de pèlerins se dirigent vers l'église, magnifique, je n'ai pas pu prendre de photos mais j'y retournerai
Après notre balade, il est vers les 4h30 du mat, c'est le repas du soir entre nous, tout a été préparé, une thiboudienne au porc, succulent réchauffée sur notre barbecue emporté, l'ambiance est excellente, la fatigue se fait sentir, quelques femmes s'en vont se réfugier dans la voiture pour y faire un très court somme. Nous, autour de quelques verres de bières gazelle, nous referons le monde et ne dormirons pas car le jour se lève déjà sur Popenguine...
Dès poltron minet, la foule se hâte lentement vers la grotte, une immense étendue sous des tôles ondulées, à même le sol de sable, des milliers ! de bancs en béton, au loin l'autel où sera dite la messe à côté, deux dizaines de chaises rouges réservées aux membres du clergé sénégalais et à quelques hommes politiques du président Macky Sall.
Ce qui contraste avec les grands événements d'Europe, c'est la bonhommie de la foule, pas la moindre bousculade, ...tout comme la circulation sénégalaise où tout se fond dans une mélange infini de voitures, hommes et animaux
Le long des grandes artères qui conduisent à la grotte, partout des dizaines de petits commerces d'un jour qui vendent de tout y compris des vierges, des bougies, des effigies à la vierge, des calebasses...
Après la messe dont je n'ai pas de photos, l'ambiance monte dans le village, chaque groupuscule d'amis et de connaissances fait la fête, festoie avec les souvenirs d'une nuit sans sommeil...
L'Afrique est une mélodie, un tamtam, une musique qui vient de loin, de la magie pure où les hommes vivent l'harmonie la plus parfaite
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