Le soleil, l'ombre et l'eau, les trois grandes valeurs de l'Afrique
"La lumière transporte du passé, elle nous donne surtout du présent, tout ce monde réel que j'ai regardé avec passion, nous ne voyons le visage des êtres aimés que parce que la lumière nous les offre. Elle est un enchantement - cette simple lumière qui nous vient du soleil et qui fait vivre le monde - et la marque de la présence de Dieu." (Jean d'Ormeson)
Ce ciel d'Europe quelquefois si bleu et si souvent obscurci par des nuages chargés de pluie et de neige...ce ciel d'Afrique d'un bleu lumineux sans pareil au monde, ce grand soleil qui réveille les hommes et les arrache de leurs rêves insensés.
Dès notre sortie d'avion, le premier choc avec l'Afrique est sa lumière intense et vive, ce soleil au zénith dans lequel nous baignons tous. L'aube ici n'est jamais pâle, mais rouge, couleur de feu, d'emblée multicolore.
Avant midi la chaleur la chaleur est déjà difficile à supporter, il faut trouver un endroit ombragé. Au fil des heures, l'ombre se déplace avec le soleil, et avec elle, l'homme dont c'est la seule occupation : suivre l'ombre en rampant, se mettre à l'abri de ses ailes obscures et fraîches.En Afrique, les hommes ont besoin d'ombre pour exister.
Le meilleur refuge est l'arbre tel ce manguier au feuillage épais et éternellement vert, tel cet énorme fromager avec ses racines entremêlées.
L'arbre en Afrique tient lieu d'école, sous ses ramures, il entraîne tous les enfants du village tout entier. Il n'y a ni classe, ni limite d'âge. Qui veut venir vient. Le maître accroche au tronc un alphabet imprimé sur une feuille de papier. Il montre les lettres avec une baguette, et les enfants regardent et répètent. Ils doivent apprendre par coeur, car en brousse, ils n'ont ni crayons, ni papier.
Quand arrive midi et que le ciel blanchit, tous ceux qui le peuvent se réfugient sous l'arbre : les enfants, les adultes et même le bétail - zébus, moutons et chèvres. La chaleur de midi est plus supportable sous un arbre que dans une case où l'on est à l'étroit et où l'on étouffe, sous l'arbre, il y a de l'espace et un peu plus d'air.
L'après midi les choses sérieuses commencent : les adultes se retrouvent sous l'arbre pour tenir conseil. Le manguier est le seul endroit où ils peuvent se réunir et discuter. Les africains ont une culture collectiviste : ils éprouvent le besoin de participer à ce qui fait partie de la vie du groupe. C'est en commun que l'on tranche les disputes et les conflits, que l'on décide qui recevra telle terre à cultiver. La tradition eut que toute décision soit prise à l'unanimité. Si quelqu'un n'est pas d'accord, la majorité tente de le convaincre jusqu'à ce qu'il change d'opinion. Ces palabres sont parfois interminables. Si deux villageois se disputent, le tribunal réuni sous l'arbre ne démêle pas le vrai du faux ni ne décide qui a raison, il s'efforce simplement de supprimer le conflit, d'amener les deux parties à la réconciliation en reconnaissant le bien-fondé de chacune d'elle.
Quand l'obscurité tombe, l'assemblée interrompt sa réunion et rentre à la maison. Dans les ténèbres on ne peut se quereller. Quand on discute, on doit voir le visage de celui qui prend la parole.
C'est maintenant au tour des femmes, des personnes âgées et des enfants de se rassembler sous l'arbre. Commence alors l'heure la plus agréable, la cérémonie du thé: une tisane épaisse et corsée en infusion. On se raconte les événements de la journée, les histoires où se mêlent la réalité et la fiction, qu'était-e donc cette forme sombre qui, ce matin, a fait un boucan infernal dans les buissons ? un arrière-grand-père dit qu'il y a longtemps une forme sombre avait fait du bruit dans les buissons...la frontière de la mémoire est celle de l'histoire. L'histoire et ce qu'on se rappelle. Elle s'est toujours transmise oralement de bouche à oreille .
Les mythes ont toujours été crées collectivement le soir sous le manguier quand seules résonnent les voix tremblantes des vieillards car les femmes et les enfants écoutent.
L'heure du soir est importante car c'est le moment où la communauté prend conscience de ses origines, c'est l'heure où l'on converse avec les ancêtres qui, même s'ils sont partis, sont toujours là, nous accompagne dans notre vie, nous protègent contre le mal. Le soir, la voix des anciens se fond dans les ténèbres immobiles. Leurs paroles sont empreintes d'un sentiment de responsabilité envers leur peuple. Ils se sentent tenus de préserver leur histoire. Personne ne peut dire: "lisez notre histoire dans des livres" car ces livres n'ont été écrits par personne. Et chaque génération écoute la version qui lui est transmise, la modifie, l'enjolive et la colore. Délestée de la rigueur du temps et des dates, elle prend sa forme la plus pure, celle du mythe. Ici les dates et les repères temporels comme les jours, les mois et les années sont remplacés par: "il y a longtemps", "il y a tellement longtemps" Dans la conception africaine, le temps ne se développe pas de façon linéaire mais rotative et dynamique. Chez eux la notion de développement n'existe pas, elle est remplacée par la notion de durée. L'Afrique, c'est la durée éternelle.
Il se fait tard et chacun rentre chez soi. La nuit tombe et elle appartient aux esprits et aux sorcières... mieux vaut ne pas les déranger car elles ne supportent pas qu'on les épie et qu'on les écoute. Rancunières, elles peuvent inoculer des maladies, transmettre la douleur, semer la mort.
Aussi curieux que cela paraisse, ici la vie humaine dépend d'éléments aussi fugaces et fragiles que l'ombre. L'arbre est plus qu'un arbre, il est la vie. Si l'arbre et foudroyé, les villageois ne pourront plus se raconter leur histoire, alors la mémoire disparaîtra, ils deviendront des hommes sans passé, ils perdront ce qui les reliait et chacun ira de son côté mais la solitude est impossible en Afrique, un homme seul ne peut survivre plus d'un jour, si l'arbre est foudroyé, les hommes périront à leur tour.
A part la lumière et l'ombre, il existe en Afrique une autre valeur: l'eau.
"La terre vient de l'eau. La lumière vient de l'eau, le sang aussi."
"S'il existe une chose qu'on peut aimer plus qu'une femme, l'eau."
Sans eau ici on peut survivre vingt-quatre heures, quarante-huit au grand maximum. Le calcul est simple: dans le désert, l'homme peut perdre en une journée 10 litres de sueur. Or, pour vivre, il doit boire la même quantité d'eau sinon il souffre aussitôt de la soif, au bout de quelques heures, il perd le sens de l'orientation, il bredouille indistinctement, le soir même, il est en proie à une poussée de température puis il ne tarde pas à mourir. Ici, l'eau remplace tout. Faute de bêtes, c'est elle qui nourrit et maintient en vie, faute de plantes qui ombragent, c'est elle qui rafraîchit. Ici pour survivre, il faut de l'eau, pendant des siècles et des siècles, l'africain a marché à pied pour chercher l'eau
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