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Il n'est pas de montagne plus haute que les marches de l'oubli

Celui qui a tout perdu (David Diop)

David Diop (1927-1960) est un poète Wolof* sénégalais né en France de parents africains. Il a vécu en France et au Sénégal. Sa poésie (un seul recueil), est très engagée contre le colonialisme.  Les Wolof sont une ethnie d'Afrique de l'Ouest. Le wolof est la langue la plus parlée au Sénégal. Son écriture utilise aujourd'hui l'alphabet latin

 

Celui qui a tout perdu

 

  Le soleil brillait dans ma case

  Et mes femmes étaient belles et souples 

Comme les palmiers sous la brise des soirs

  Mes enfants glissaient sur le grand fleuve 

Aux profondeurs de mort 

Et mes pirogues luttaient avec les crocodiles

  La lune, maternelle, accompagnait nos danses 

Le rythme frénétique et lourd du tam-tam,

  Tam-tam de la joie, tam-tam de l'insouciance

  Au milieu des feux de liberté

   Puis un jour, le Silence ... 

Les rayons du soleil semblèrent s'éteindre

  Dans ma case vide de sens.

  Mes femmes écrasèrent leurs bouches rougies 

Sur les lèvres minces et dures des conquérants aux yeux d'acier 

Et mes enfants quittèrent leur nudité paisible

  Pour l'uniforme de fer et de sang. 

Votre voix s'est éteinte aussi.

Les fers de l'esclavage ont déchiré mon coeur,

Tams-tams de mes nuits, tam-tams de mes pères. 

 

  David Diop ("Coups de pilon" - Présence Africaine, 1956)

 

 

Afrique mon Afrique

Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales 

Afrique que chante ma grand-mère 

Au bord de son fleuve lointain 

Je ne t'ai jamais connue

Mais mon regard est plein de ton sang 

Ton beau sang noir à travers les champs répandu 

Le sang de ta sueur 

La sueur de ton travail 

Le travail de I' esclavage 

L'esclavage de tes enfants

Afrique dis-moi Afrique

Est-ce donc toi ce dos qui se courbe

Et se couche sous le poids de l'humilité

Ce dos tremblant à zébrures rouges

Qui dit oui au fouet sur les routes de midi 

Alors gravement une voix me répondit

Fils impétueux cet arbre robuste et jeune

Cet arbre là-bas

Splendidement seul au milieu des fleurs blanches et fanées

C'est l'Afrique ton Afrique qui repousse

Qui repousse patiemment obstinément 

Et dont les fruits ont peu à peu

L' amère saveur de la liberté.

 

  David Diop ("Coups de pilon" - Présence Africaine, 1956)



05/01/2018
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