Funérailles africaines et paradis blanc
Ce mardi, je suis allé à Rufisque (10km de Dakar) avec Marie assister aux funérailles d'une jeune maman de 30 ans décédée des suites de complications due à une opération à la gorge. Cette maman laisse deux petites filles de 5 et 8 ans élevées dans la famille de Ziguinchor de Marie.
Nous sommes partis vers midi pour atteindre Rufisque par la grand route vers Dakar. Dans cette grande bourgade on croirait à l'influence de la richesse de la capitale sénégalaise mais il n'en n'est rien, rues défoncées, absence de canalisations, bâtiments des plus vétustes, le tiers-monde dans tout son état, Rufisque est une bourgade très étendue, au coeur de la ville, nous poursuivons notre chemin en charrette et petit cheval, à peine un quart d'heure de petit trot et nous voilà dans la maison maternelle de Marie, nous sommes accueillis par sa maman qui a fait le voyage(450 kms) avec son autre fille et les deux petites filles de la femme décédée.
Les femmes sont toutes vêtues de blanc, elles s'en vont à l'église lointaine où ont lieu les funérailles.
Arrivés à l'église, des dizaines de personnes attendent dans l'avant-cour sur des bancs de fortune à l'ombre des grands arbres, bientôt la foule grossit sans cesse, des bancs sont sans cesse installés, une voiture break pénètre dans la cour, elle transporte la dépouille dans un cercueil de bois brun aux formes toute simples, le cercueil est emmené dans la chapelle du fond où après quelques minutes, celui-ci est ouvert, puis une interminable file d'africains va se recueillir sur le cercueil ouvert, des cris, des pleurs déchirent le silence retenu, cela dure plus d'une heure, on entend la récitation d'avé maria, quelques chants assourdissent les pleurs...
Ceux-ci reprendront de plus el lorsque l'on refermera le cercueil emmené à l'entrée de l'église où la foule s'engouffre, le premiers bancs de chaque côté sont réservés à la famille, j'en fais partie...je suis le seul blanc au milieu de cette foule qui ne fait que grossir
après quelques prières, le cercueil est emmené devant l'hôtel et l'office commence en souvenir d'Andrée...
la messe sera sobre et digne, ensuite, le prêtre comme chez nous bénit le cercueil et l'illumine avec l'encens. Puis c'est la direction du cimetière qui se situe loin de l'église, un bus noir est garé devant l'église, le cercueil est poussé dans le coffre arrière et des premiers passagers prennent place, les autres et moi-même monteront dans des bus supplémentaires (coût 600cfa)
le cimetière se trouve à l'autre bout de la ville, dès notre arrivée chacun se presse pour rendre une dernière bénédiction à la défunte (le cercueil et posé sur deux gros troncs de bois au dessus de la tombe béante, puis c'est le retour en bus au centre ville)
ensuite, nous avons été invité dans la maison familiale de la défunte, devant elle se dresse une très longue tente, à côté une cinquantaine de chaises pour la famille, la foule attend longuement en plein soleil dans le grand calme, sous la tente, des chaises sont disposées en rond et la famille s'y assoit (ils sont une quarantaine) puis la foule vient présenter ses condoléances à chaque membre de la famille, une cinquantaine de poignées de main pour chacun, cela dure quelques heures, on distribue des berlingos d'eau et de petits sachets de bombons) après commencera la soirée plus intime dans une autre demeure, nous rentrerons sur Saly épuisés de cet exercice funèbre.
Cette après-midi, Marie et moi, faisons la plage, nous sommes installés sur des grands divans lit à l'ombre des cocotiers face à l'Atlantique à l'hôtel Obama, Marie en profite pour écouter Mylène Farmer sur sa tablette, moi, je lis le journal" en bronzant entre quelques bains de vagues en colère, la mer est déchaînée, elle vont font reculer de plusieurs mètres quand elle vous frappent, plusieurs fois je perdrai l'équilibre et me retrouverai sous l'eau.
Au loin sur la plage, la foule grandit, les voitures de police passent sur la plage devant nos transatlantiques , il semble qu'un problème se pose avec des enfants, nous décidons de rentrer et d'approcher le groupe, deux corps d'adolescents gisent sans vie sur le sable fin, la tristesse est infinie, je dois soulager Marie en pleurs de jeunes africains déchirent le sable de leurs deux mains, transes insoutenables, je n'oublierai jamais ces deux jeunes corps d'ado, tordus recroquevillés sur le sable chaud, des policiers veillent et attendent l'arrivée des pompiers;
l'océan a repris deux jeunes à la vie, il y a à peine 5 minutes, ils s'amusaient dans les premières vagues de l'océan, insouciant du danger, du piège mortel qui les attendait, faisant partie d'une quinzaine d'amis de leur âge, ils fêtaient joyeusement leur anniversaire, la jeune fille disparut sous les flots bondissants, le jeune garçon voulut la chercher pour la sauver...désespérément, la mer impitoyable n'épargna aucune de ses deux petites victimes.
l'Afrique, c'est aussi ça, la fragilité de la vie, ici, on meurt de rien... on meurt pour rien : l'imprudence ne pardonne pas devant l'océan déchaîné,
notre soirée sera emplie de notre grande tristesse...( le style de mon texte se limite à la narration)
On pourrait longuement disserter sur l'absence totale de surveillance sur les plages du Sénégal, ici, aucun sauveteur, aucun drapeau pour signifier l'état de la mer, ...de très jeunes enfants, de pré-adolescents prennent tous les risques, personne ne les retient du danger qu'ils affrontent. Les états africains préfèrent consacrer de très gros budgets dans des travaux de prestige, négligeant l'avenir de leur jeunesse, l'enseignement n'est pas une priorité, tous les problèmes sociétaux sont mis à l'arrière-plan:
drogue - mortalité haute des mamans dans l'accouchement - aucune obligation scolaire - absence de politique de planning familial - enfants talibes mendiant dans les rues livrés à eux-mêmes frappés et endoctrinés par des marabouts sans scrupules - aucune politique d'aide aux personnes faibles : fous, handicapés, désoeuvrés, marginaux, drogués...
ICI, l'humain est oublié par le pouvoir en place
La médecine est à deux vitesses, d'abord les blancs et riches sénégalais qui peuvent payer l'accès aux soins, la toute grande majorité du peuple qui n'a pas les moyens de payer la visite médicale, les médicaments, ne parlons pas d'opération...
ICI, ON MEURT POUR RIEN!
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