A ma soeur Gilberte... hommage
Tu étais de mon propre sang, tu étais la dernière racine de ma petite famille, avec toi, avec notre papa et notre maman, nous avons vécu mon enfance et ton adolescence dans l'amour des autres.
Je n'avais que quatre ans quand tu franchis les portes de l'Ecole des Sœurs Notre-Dame à Namur, tu y partais pour la semaine, tu te destinais à l'enseignement.
Tu avais fait l'école primaire dans notre petit village de Sorinne-La Longue avec Madame Descy, une institutrice de talent
Je me souviens encore que lorsque tu rentrais chez nous le samedi, je sautais avec un plaisir vagabond dans ton linge sale, je me souviens aussi que j'accourrais dans ton lit et que nous y avions des fous rires tels que nos parents se réveillaient la nuit.
Après vint le départ pour la clinique Sainte-Elizabeth de Namur, à l'époque, je ne réalisais nullement la gravité de la situation.
C'est ma cousine Annie (18 ans) qui vint à la maison pour s'occuper de moi comme une nouvelle maman. Je souffris ton absence sans mot dire.
Les jours s'égrenèrent avec des allers-retours chaque dimanche vers cette célèbre clinique oû je raflais tes petits desserts.
Je me souviens encore des prières à la statue de la Vierge que nous faisions avec mon papa et Annie. L'image de la chapelle restera toujours gravé dans ma mémoire.
Je vois encore physiquement dans ma mémoire de petit garçon l'image paternelle du Doteur Colinet qui s'affairait autour de toi, je revois ce visage tendre et rempli de compassion.
Durant tout ton séjour à la clinique, je n'ai pas souffert les jours pénibles de ton combat pour la vie, Annie et mon papa se gardant bien de me transmettre leur chagrin, leur désespoir et ton combat contre la mort.
Je ne me souviens pas de ton retour à la maison de Sorinne sinon que tu réapprenais doucement à marcher, après, ce fut l'école primaire de Sorinne et ta longue réadaptation à la vie de jeune adolescente, tu avais 15 ou 16 ans et quatre ans plus tard, tu avais tout reconquis sur la vie...
A vingt ans, tu étais une jeune femme toute belle
Insensiblement, tu avais perdu la joie d'entendre la musique du monde et j'appris à te parler sur tes jolies lèvres. Tu faisais des progrès étourdissants à tel point que tu pouvais même entrer dans n'importe quelle conversation, tu suivais sans peine les émissions de TV
Seule restait la fragilité de ton équilibre, mais très vite, tu grimpas sur ton vélo torpédo vert pour de petites balades au village
Tu avais 23 ans lorsqu'à mon tour, je franchis les portes du collège Notre-Dame de Bellevue à Dinant pour six longues années d'humanité
Je me souviens encore de tes visites avec nos parents les weekends où je ne rentrais pas, et lorsque je rentrais à la maison familiale, je me souviens du dimanche où je devais assister à l'office de 20h30 au Collège, je me souviens des galettes et du linge propre que vous rangiez dans mon alcôve de fortune.
C'est vers ta trentaine que je me dirigeais vers l'Institut Marie Haps à Bruxelles pour y suivre les cours d'interprète que j'abandonnais pour 'Ecole Normale de Nivelles,
Bref, je devins professeur de langues, tu avais 32 ans et moi 22 lorsque je m'embarquais pour le Congo où j'enseignais durant deux ans l'anglais à de jeunes instituteurs. L'Afrique...déjà...
En juin 1970, je rentrais à Sorinne après un an d'Afrique, me retremper dans l'atmosphère familiale. hélas, dès fin août, je dù repartir vers le Congo
Mon départ fut une douloureuse déchirure, ma sœur Gilberte et mes parents avaient bien mesuré l'étendue de l'absence qui s'ouvrait à nouveau devant eux
Mes adieux à ma sœur furent on ne peut plus pénibles, encore aujourd'hui, j'ai toujours cette souffrance en moi! elle ne me quitte jamais...
Puis vint le retour définitif en juillet 71 une fille couleur d'ébène m'accompagnait, Marie Ndenga...ma future épouse...
Très vite naquit la tout grande complicité entre toi et Marie, je me souviens de la première neige à Sorinne et les yeux effarés de Marie, je me souviens de nos plaisirs à trois dans cette neige poudreuse, des bonhommes de neige et des doigts endoloris de ma jeune compagne.
En 1972, je me mariais à Sorinne-la-Longue et tu étais mon témoin, tu avais 35 ans, tu avais rencontré l'amour de ta vie Robert et tu attendais un premier enfant, Michel qui naîtra quelques mois plus tard... tu étais partie dans toute ta vie de maman et d'aînée de nos générations...
Le temps passa et je fus engagé au Collège de Basse-Wavre pour un an, après, j'enseignais l'histoire de Rome au grand collège St-Michel à Bruxelles, tu avais 37 ans déjà lorsque j'entrais à l'Institut -St-Joseph de La Louvière, j'ignorais que j'y resterai 30 ans... Pendant tout ce temps, tu t'accouchas d'un deuxième amour dont je devins l'heureux parrain, Benjamin et nos vis continuèrent en correspondances incessantes.
HOMMAGE
Me voici à l'âge mûr de 67 piges, te perdant pour toujours
sur le chemin de ma vie,
Gilberte, j'aurai toujours le mal de toi...
Tu as toujours été ma seule référence, je pouvais te confier tous mes secrets comme à personne d'autre dans cette vie, je me souviens que lorsque j'allais loger chez toi ces dernières années, nous passions des soirées ensemble et nous conversions sur nos vies, sur nos projets et nos rêves.
Je t'ai confié tous les égarements de ma séparation et de mon divorce, avec pour unique élan du cœur, l'amour d'une femme qui ne s'est jamais refroidi, tu le savais, tu le mesurais, tu le redoutais, tu le regrettais.
Tu m'as souvent confié la mélancolie qui s'emparait de toi lorsqu'avec tes enfants, tu visitais ma petite famille d'Haine-St-Pierre à la Noël et que tes pensées ne pouvaient s'empêcher de vagabonder sur les chemins de France .
Tu as du très certainement souffrir de me voir esseulé chez tes enfants devant un couple nouveau et tu as du te dire ce jour là que j'avais perdu l'amour, tu avais une admiration certaine pour cette jeune femme, tu t'émerveillais à sa classe, à l'organisation de sa maison, à l'éducation qu'elle donnait à ses enfants,, tu avais avec elle des liens de cœur inestimables mais en même temps notre rupture faisait souffrir tes émotions les plus vives.
Pour toi, l'amour a toujours été indestructible et éternel, tu n'as pas vécu dans les tremblements du nouveau monde qui banalise les sentiments des hommes...
Je voulais te dissimuler cette banalisation que je redoutais, je n'ai pas pu l'assumer.
La seule image, le dernier souvenir que tu gardas de moi est ce couple fracturé que tu vécus pour la dernière fois lors de la communion de ton petit. Ce jour là, tu compris que tout était vain, que tout était sans retour, que tout était broyé dans mes sentiments intimes, que la mer avait effacé toutes les traces de nos pas, 35 ans en fumée...la vie...une vie d'homme....une illusion,...une perdition, un pardon obligé, une souffrance, une naissance, une fuite vers l'Afrique d'un premier amour, un ultime retour, une étincelle de sentiment, un vague à l'âme, un bateau ivre, un trait de plume , une escapade...une prison....la Vie !
Les beaux-parents...
Ils avaient su s'insérer dans ta souffrance de maman, très tôt, ils avaient compris que tu avais souffert...dans ta prime jeunesse et que tu avais tout donné pour élever tes deux fils dans l'amour des autres, quel ne fut pas leur art et leur tendre attention pour chaque semaine te préparer minutieusement la répartition de tes médicaments ! Quelle ne fut pas la tendresse de cette maman qui perdit son mari et son fils coup sur coup et qui t'entouras aussi de son amour de maman.
Tu vécus tous les paradoxes des hommes : de celui du mariage de ton fils cadet où tu rayonnais de toute ta beauté à celui de celui de ton fils aîné assombri par la perte du beau-père dans les jours précédents, de celui où tu devais accompagner dans l'amour le calvaire de ton mari préservant tes fils de sa fin inéluctable, tu vécus les légitimes tensions d'amour entre tes deux fils et tu réussis à les rassembler, à les adoucir pour les unir une dernière fois avant ton départ. Tu vois, l'image qu'ils ont donné de leur indéfectible fraternité devant un dernier adieu était encore un acte d'amour...de toi.
C'est cela ta grandeur, ton inestimable ensemencement, c'est ce qu'il restera de toi : un brin d'amour qui unit les hommes, une toute petite flamme qui les solidarise pour toujours...et aujourd'hui, de ton départ, je me sens comme le frère de tes enfants.
Toi, tu nourrissais 'l'amour pour tout le monde ' je revois cette photo d'Emilien et toi, je revois les yeux attendris de cet enfant vers toi... tu mesurais très bien ce qui le torturait, ce qui handicapait sa vie, tu mesurais toute ma souffrance et tu lui insufflais tous les espoirs du monde.Tu lui donnais ton propre combat pour la survie et il te comprenait dans les espaces de son adolescence intrépide.
Tu vois, c'est cet enfant qui me prit dans ses bras
avant que l'on ne te mette en terre
comme si tu étais toujours là...,comme si ma peine se transmettait
Ah ce Jean-Marie Chiliade, le plus fidèle de tes admirateurs, Jean-Marie a toujours eu toutes les attentions pour toi, c'est notre maman qui l'accoucha , un enfant inespéré issu du couple des plus grands amis de nos parents : Joseph et Marie-Henriette. Je me souviens que petit garçon, chaque semaine, tu quittais la maison pour te rendre avec papa et maman chez « les Crucifix » y jouer vos hebdomadaires parties de couyon namurois : « je vais, je passe, triomphe, couille... » vous m'aviez mis au lit , j'attendais le cliquetis de la grande porte d'entrée pour m'endormir au plus vite, je frissonnais à l'idée d'être laissé seul...dans la maison vide, les temps anciens...Jean-Marie n'a jamais oublié tout l'amour que tu lui portas, dès sa petite enfance, tu l'entouras de toute ton affection et il te le rendit bien en te visitant souvent.
Et il y eu un certain Herman Rapier que tu notas même dans tes volontés dernières.
Herman était un garçon tendre. A l'âge de vingt ans, il vint loger chez nos parents, étudiant en topographie de l'université d'Anvers, il devait rédiger son mémoire et en journée, il arpentait les terres sorinnoises pour en mesurer les moindres dénivellations. Plus tard, il revint à plusieurs reprises à Sorinne avec ses parents, son père était un professeur de dessin, la vie vous sépara mais Herman ne t'oublira jamais, il t'écrira chaque année sans désemparer durant plus de 50 ans ! Tu ne le revis pas mais il était ton âme et tu emportes son image avec toi.
Mais il y eu surtout, d'abord et avant tout, après tes parents et moi, avant toutes les personnes qui sont venues sur ton chemin un homme avec qui tu partageas l'amour vrai, il eut pour toi toutes les attentions, lui aussi avec toi, participa à chérir vos enfants du mieux qu'il le pouvait, je me souviens de vos visites à La Louvière, il avait pour ses petits toute l'attention du monde, jamais, on ne vit semblable tendresse, lui qui avait sa carapace de « vieux jeune homme » endurci par la vie, lui qui avait refusé toute union de femme pour consacrer sa vie à sa propre maman, Alice.
Tu le lui rendis bien , je me souviens que très affaibli par cette mortelle maladie, tu le lavais côte par côte, JE LE VOIS ENCORE ASSIS à SA FENêTRE DU HAUT FORMANT sES DEUX GRANDS garcons dans la poursuite de sa petite fermette je me souviens de cette triste soirée entouré de tous les siens dans sa chambre du haut lorsqu'il s'endormit pour toujours les yeux ouverts après la piqûre de son fils aîné, c'est moi qui les lui ai refermés pour son ultime repos dans une autre lumière.
Je me souviens de l'effroi des deux gamins sitôt après cette inéluctable disparition
De ton côté, tu repris tout ton courage nécessaire pour qu'ils puissent mener à bien leurs études supérieures et devenir des hommes responsables
Tu entouras de toute ta tendresse tes cinq petits enfants dans l'attente d'une nouvelle naissance, sans doute un garçon intrépide et généreux
Et te voici à nouveau à côté de ton amour pour le plus grand des voyages,
vous voici réunis pour l'éternité,
je suis certain qu'il t'aide encore,
JE SUIS AUSSI CERTAIN QUE VOUS VEILLEREZ Sur nous tous
abandonnant vos douleurs
et jouissant de vos grands bonheurs célestes
je vous imagine tous les deux dans le paradis des dieux.
(à suivre)
toutes les photos de Gilberte dans sa jeunesse
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