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Il n'est pas de montagne plus haute que les marches de l'oubli

Un voyage oublié dans l'enfer du coronavirus (1) + (2)

Un voyage oublié....

 

J'ai découvert le Sénégal pour la première fois le 13 décembre 2013.

Depuis, j'y ai fait 12 séjours consécutifs de plusieurs mois espacés par des retours en Belgique pour voir ma famille proches et mes amis.

Je viens de quitter cette amoureuse Afrique pour – sans doute – la dernière fois ce lundi 4 mai 2020...

C'est une douloureuse séparation avec le pays de la Téranga (l'accueil)

 

Durant ces années, j'y ai vécu dans de multiples résidences, la dernière fut le rez-de-chaussée d'une grande villa où j'y vécu 26 mois, mon plus long séjour.

D'année en année, de retour en retour de Belgique, je n'ai pas cessé de ramener du matériel pour meubler mon chez-moi. Je l'ai repeint complètement de couleurs vives, remplaçant tout son éclairage, faisant construite des meubles par le menuisier du coin, une grande table avec 8 chaises et coussins, 2 bibliothèques, une table de terrasse, un lit et une armoire de cuisine ainsi que de grandes peintures à l'huile venant de Chine... Ah tous ces menus biblos que j'ai du trier, rassembler et distribuer à de amis sénégalais avant mon départ...définitif... ? J'y avais aussi créer une petite pièce servant d'atelier avec divers outils...et matériaux.

 

Il me fallut organiser tout un déménagement vers la demeure d'El Hadji qui récupéra tous mes biens... La villa vidée de tout son contenu devenait invivable...une maison hantée...la désolation la plus cruelle.

 

C'est VRAI que le coronavirus participa à ma décision qui devenait inéluctable.

Bien que le Sénégal résiste beaucoup mieux que l'Europe à la contamination mondiale, nous craignions l'explosion dans la toute grande banlieue de Dakar

Ce qui me fit très certainement prendre cette décision fut la crainte du débordement immédiat des infrastructures hospitalières de ce beau pays et l'impossibilité de m'y soigner.

C'est vrai que les insistances familiales de Belgique ne manquèrent pas.

 

Hormis cette séparation de bien matériels, le plus douloureux fut de me résigner à me séparer de mes amours de velours, de tous ces hommes et femmes pauvres et nus qui étaient devenus mes frères...

 

Il m'arriva de pleurer seul dans cette maison vide, cette séparation avec des hommes qu'on aime est un tremblement de terre et ma vieillesse s'est accélérée de plus bel , je partis endossant toutes ces meurtrissures...

 

Le plus dur fut de quitter un enfant-roi, un enfant des hommes qui soulagea chaque jour - depuis presque 4 ans - ma solitude et qui ne manqua jamais de s'enquérir de ma santé dans mes séjours belges... Les sentiments paternels et filiaux devinrent un rayon de soleil, des perles d'or retrouvées en pleine brousse...

 

Cette séparation restera la plus grande des déchirures de ma vie !

 

J'avais vécu le cauchemar du dernier retour belge avec Brussels Airlines qui dura plus de 70 heures au lieu de 5 et cela avec un sympathique couple belge.

A mon retour en février, nous nous retrouvèrent à Saly et ne nous quittèrent plus. Par décision présidentielle, l'aéroport de Dakar « Blaise Diagne » était fermé à tout atterrissage et à tout décollage, toutes les frontières aériennes, terrestres et maritimes du Sénégal avaient été fermées.

 

Depuis plusieurs semaines, nous craignions ne plus avoir d'avion alors que la propagation du coronavirus se propageait dans les quartiers de Dakar. Il y avait bien eu quelques avions d'Air France qui pouvaient atterrir mais les prix étaient devenus fous : 1200 euros pour un voyage aller:Dakar-Paris, nous craignions de nous retrouver en plein confinement là-bas avant de rejoindre la Belgique par train.Je me suis longtemps obstiné à réfuter ce choix.

 

D'un jour à l'autre, les prix baissèrent et le gouvernement sénégalais autorisa l'atterrissage de 4 avions d'Air France du 4 au 13 mai. (prix – de 600 euros)

L'Ambassade de Belgique nous mit au courant de cette possibilité. Je téléphonai à mes amis qui venaient de réserver l'avion du lundi 4 mai et me décidai à les accompagner. De là, tout alla très vite...La réservation du voyage en poche, il fallut vider la villa de tous mes biens propres. Cela se fit en quelques jours... et puis les valises lourdes et les vérifications laborieuses de leurs poids : 2 x 23 kg en soute + 12 kilos en cabine...

 

Le dimanche, je décidais de passer la nuit chez mes amis de crainte de ne pas me réveiller, vérifications du poids des valises... agréable petit souper, réservation de 2 taxis pour le lendemain... Le Sénégal n'autorise que 2 voyageurs par taxi, l'un à l'avant et l'autre à l'arrière...

Tout fut arrangé pour démarrer de Saly le lundi à 7h30, direction, l'aéroport à quelque 35 km sur la grand route à 2 bandes...

 

Nous avons débarqué à l'aéroport vers les 8h15, là prise de température et puis une longue file en carré au pas pour passer nos valises au premier tamis.

Mes amis me suivaient à quelques pas. Ensuite nouvelle file plus laborieuse afin d'atteindre les guichets d'Air France. La peur m'envahissait car j'avais bien 2 grandes valises + une valise de 12 kg en cabine et un sac à dos avec l 'ordi et des appareils informatiques, caméra, appareils photos...Tout cela dépassait largement le poids autorisé. IL fallait faire vite : enlever de la valise quelques marchandises de poids et une veste afin de les dissimuler sous elle à l'avant du grand chariot... Je me présentai, l'employé fut des plus cordiaux et ne demanda pas de déposer mes bagages de cabine sur le tapis roulant (je gardais le souvenir qu'à un guichet de Brussels Airlines à Zaventem, on m'avait demandé de peser l'ensemble...) OUF ! (mon tracas n'était pas de payer des kilos excédentaires mais à nouveau la queue au guichet d'Air France et puis surtout ne pas rater l'avion !!

Ensuite nouvelle queue pour faire estampiller le passeport en douane, sans problème. Puis les bagages cabines et l fouille corporelle, (je suis toujours entouré de peurs car il faut vider toutes ses poches, ceinture, enlever la veste avec des devises ramenée en Europe... Parfois des passagers égarent leur billet d'avion, après le « déconfinement tant attendu, l'attente en paix avec les derniers rêves qui survolent dans votre tête, les regrets aussi...

A cette étape, on goûte la sensation d'être presque sauvé !

TOUT COMMENCE....

 

Un voyage en enfer (2)

 

L'attente de l'embarquement est apaisante, on goûte la sensation bizarre de sauver sa peau en rentrant vers une Belgique confinée mais aussi un pays où les soins médicaux sont de toute grande qualité...Elle est mêlée de la nostalgie d'abandonner cette généreuse Afrique et de l'espoir d'échapper au pire...

 

L'envol est prévu pour midi, il est 11h40 le guichet d'Air France s'ouvre avec ses charmantes hôtesses. Une légère cohue contenue se faufile parmi les voyageurs, elle sera bien réglée : d'abord les passagers qui occupent les derniers sièges dans l'avion, puis les précédents et ainsi de suite jusqu'aux passagers de l'avant. (Je suis rentré la dernière fois avec un avion de Brussels Airlines, nous étions le 26 janvier, mon anniversaire... j'occupais le siège 26!)

 

L'avion d'Air France est un gros boeing F777-300 avec quelque 300 passagers.

Dès l'envol, on sent la puissance de cette machine volante. Elle monte à 10,000 mètres, le décollage se fait à 300 km/heure. A son altitude, l'avion déchire le ciel à 1000 km/heure... Les portables se remettent en route, c'est une étrange sensation de voyager avec le personnel de bord et tous les passagers masqués...

Contrairement à tous mes autres vols, ce voyage ne comportera qu'un seul repas très frugal sans autre collation.

 

Et les rêves évanouis se mêlent à nos angoisses de l'arrivée dans un pays meurtri, dévasté, arrêté... où la peur des hommes règne en maître, où des belges tombent chaque jour sous les rafales d'un ennemi invisible assoiffé de la vie des hommes. LA PEUR DES HOMMES ! Elle va jusqu'à se nicher dans les familles entre les gens qui s'aiment...

 

5h30 de vol...traversée du Mali, du Maroc, enfin l'Espagne et puis la France direction Paris. L'altitude baisse, les tympans se déforment... sortie du train d'atterrissage, bruit de ferraille, survol de Paris endormie de jour et de nuit, atterrissage en douceur à 300 km/heure... FREINS à toute volée. Arrêt, attente, débarquement, le sol français, les lourds bagages portés, traînés à bout de bras...traversée des grands halls vers le bureau des douanes françaises.

Le sol est marqué de grandes bandes jaunes à 1,5m de distance, carrousel dans des couloirs d'un mètre de large, chaque voyageur est muni d'une autorisation de pénétrer sur le territoire français. Les belges doivent prouver leur résidence en Belgique, la peur m'envahit car ma carte d'identité belge est périmée depuis 2018... mais le passeport suffira, une peur en moins.

Nous sommes à Charles De Gaulle et nous devons nous rendre à Paris-Nord oû nous avons réservé 2 chambres à l'hôtel « La Demoiselle » Harcèlement de taximen, les prix fluctuent dans les dizaines d'euros, finalement, l'arrangement se fait avec un chauffeur au teint basané...La route nous paraît interminable avec les sens interdits et les travaux, enfin, l'arrivée à l'hôtel, un petit hôtel assez cossu le long d'une grande artère parisienne. Notre arrivée est bien attendue par le garçon de nuit, sympathique. Fumus dehors, commande de boissons... il reste quelques petites bières en cannettes prix 5 euros... commande d'hamburgers par l'hôtel. Notre vaillant Arthur s'en va à pied découvrir les environs, revient avec les mêmes cannettes au prix d'1,50 euro...

les hamburgers chauds et délicieux seront avalés en chambre.

La nuit est reposante, le lever est vers les 10 heures... Le Thalys est à 14h21

Nous démarrons vers midi par taxi avec tous nos nombreux bagages, nous sommes déchargés juste en face de la gare : grand hall d'entrée, peu de monde... Des trains sont à quai, la voie du Thalys sera annoncée 1/4 d'heure avant son départ. Nous sommes à nouveau munis d' « une attestation de déplacement dérogatoire ».... Les heures tournent, les minutes s'égrènent ...

Thalys voie 3 ! un long train rouge bordeau : une file se fait doucement avec des éloignements les uns des autres, nous traînons nos lourds bagages, vérification de nos tickets sur le quai et nous pouvons monter dans n'importe quelle voiture, il est presque vide. A peine parti, il roule à vive allure en croisant de temps à autre l'autoroute, Paris-Bruxelles.

 

La descente à Bruxelles-Midi est des plus pénibles, l'instant de la séparation, mes amis habitant Bruxelles... J'ai peu de temps pour prendre le train vers Mons, les machines à tickets crépitent, le train est à la voie 18 ! l'étape la plus difficile de ce voyage est arrivée, l'escalator ne marche pas, il faut hisser les valises de marche en marche, une dame m'aide dans ma détresse, arrivé sur le quai, le train démarre. Aucune chance, je redescends à nouveau l'escalator de droite qui me mène vers le grand hall pour m'enquérir du prochain train quelque 20 minutes pus tard, même quai, à nouveau la remontée sur l'escalator immobile... Le train se pointe enfin, il ne reste qu'à soulever ces lourds bagages pour enjamber les hautes marches... L'arrivée à Mons se fait à l'heure attendue. A peine sorti du train, je dois gravir la longue passerelle de la gare, un jeune s'empare d'une de mes valises, je souffle comme un boeuf pour suivre sa cadence... tout va bien, direction la sortie où des taxis attendent, le premier est celui dont j'avais repéré dans le Thalys les coordonnées téléphoniques, le taxi Willy qui me conduit à mon studio à deux pas. De là coup de fil au propriétaire pour obtenir la clef d'entrée, les dernières minutes d'un enfer... encore chaud ... de mes larmes....

 

 

 

 

 

 

 

 

 



15/05/2020
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