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Il n'est pas de montagne plus haute que les marches de l'oubli

Bellevue 1960-1966 (1)


Bellevue 1960-1966




C'est en septembre 1960, en ce temps de crise majeure dans notre ex-colonie du Congo belge que, pour la première fois de ma vie, je gravis la grande montée de la rue Bonsecours vers le collège de Bellevue.

Ce jour, je ne m'imaginais pas m'envoler vers une très longue aventure qui dura 6 années avec ses hauts et ses bas, ses moments d'étude, de révisions, d'examens, ses nostalgies mais aussi ses joies,  ses instants de bonheur, de camaraderie, de fraternité et de fierté.


A Bellevue, le temps scolaire  s'égrenait au rythme des quinzaines et des semaines.


Durant les trois premières années de mes humanités dans ce collège, nous rentrions tous les quinze jours en famille, plus d'une fois, je fus retenu et mon séjour en pensionnant se voyait prolongé de 2 nouvelles longues et pénibles semaines...Ces fois, là, en dépit de ma punition, mes parents venaient me voir le dimanche après-midi et nous sortions en famille dans la ville de Dinant et ses alentours.
Le 1er dimanche qui suivait notre première semaine d'internat, nous pouvions nous lever plus tard et l'après-midi nous allions au cinéma voir le film du siècle toujours précédé des actualités en noir et blanc de Belgavox.

Le collège avait également en ce temps là une section pour filles qui nichait dans la ville de Dinant.
Le dimanche , toutes ces petites demoiselles en tenue "montaient" au collège et venaient au cinéma ...avec nous, les mâles.
Toutes les précautions d'usage avaient été prises par nos prêtres qui avaient bien pris soin de laisser 3 ou 4 rangées vides entre nos 2 sexes...


Le départ en famille avait donc lieu le samedi midi de chaque quinzaine ;
Certains de mes condisciples étaient "récupérés" par leurs parents et rentraient chez eux en voiture, pour la plupart des autres, le retour s'effectuait en train au départ de la gare de Dinant.Quant à moi, je prenais la direction de Namur avec changement vers la ligne de Jemelle, toutes les heures quarante,  il y avait un train qui  me déchargeai à la gare de Courrière où un bus s'impatientait de démarrer vers mon village de Sorinne-la-Longue.

Tous ces weekends en famille nous revivifiaient pour la nouvelle quinzaine.


Le retour au collège était fixé pour 20h30 le dimanche soir, la plupart d'entre nous rentrions en voiture.Il faut dire que nos parents nous avaient gâtés en vivres et en nouveaux linges.

Nos chambrettes s'étalaient sur 2 niveaux dans des dortoirs communs aménagés en alcôves successives de 2m sur 2.




Le meuble principal était notre lit aux barreaux de fer et aux ressors crissants.
En face, une espèce de dressoir en sapin vernissé à la tablette marbrée sur laquelle trônait un bassin et une cruche de porcelaine blanc cassé.
A côté, une garde-robes double ouverture avec coté cintres et rayonnages.
Le dimanche en fin d'après-midi, tous ces rayonnages étaient à nouveau surchargés de vivres telles que gaufres, caramels, chocolats,  biscuits, confitures et de linge fraichement repassé et embaumé d'odeur de lilas.(draps de lit, essuies- -mains, gants de toilette, linge de corps, courts pantalons et veste d'hiver ou d'été selon les saisons, bottines et pantoufles...)


A 20h30, tous les élèves se retrouvaient à la chapelle de notre collège pour l'office du salut qui durait une trentaine de minutes, émaillées de prières et de chants à la Vierge.
Quelle transition soudaine dans nos têtes ! ces 30 minutes de nostalgie de la famille quittée, la mélancolie, l'amertume, le cafard...

Sitôt l'office terminé, c'était la montée vers les alcôves...
Tout se faisait dans le silence le plus religieux du monde, juste avant le coucher, ceux, qui étaient déjà en pyjama se dirigeaient à la queue leu leu vers l'une des 8 toilettes de notre dortoir.



A 9h45, les grands tubes néons de notre dortoir clignotaient, c'était le signal de l'extinction proche des feux qui avait lieu à 22 heures.

A peine le tout dernier néon avait-il rendu l'âme que les scandalettes du surveillant de garde bruissaient sur le parquet de sapin et  bourdonnaient à nos oreilles aux aguets.A travers les tentures de nos alcôves, scintillaient les rayons/faisceaux de sa  longue torche argentée...
(Celui-ci avait d'ailleurs aussi sa chambrée dans notre dortoir).

Certains soirs, dès que nous entendions ses pas déserter notre dortoir, c'était le signe d'un assaut général: debout sur nos lits, par-dessus les cloisons nous lancions au hazard des ciels de lits les matériaux que nous avions sous la main, pelures de banane, papiers chiffons, boulettes, chewing-gums qui devaient atterrir chez l'un ou l'autre d'entre nous...au pire dans le couloir pour la plus grande trahison de notre dernier sursaut avant de nous endormir "les mains au-dessus des couvertures..."





22/04/2007
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